Les études de Pierrine à la petite école de Béost, de sept à onze ans, sont assez rudimentaires, limitées à la période hivernale. Car à la belle saison, il suit la transhumance du troupeau familial en montagne, troupeau dont il se voit confier pleinement la garde à sa majorité, dans les estives de Gourette et du col d’Aubisque.
Est-ce par compensation que se développèrent les qualités innées qui lui constituèrent la meilleure école de vie ? Mémoire remarquable, sens aigu de l’observation, curiosité passionnée pour tout ce qui l’entoure, capacité d’assimilation hors du commun, obstination évidente… Avec cela, sociable mais très indépendant, il sait à la fois écouter les conseils et ne pas capituler devant les obstacles nés des choses ou de l’incompréhension d’un entourage peu cultivé.
Attaché à sa vallée, à ses montagnes, à cette terre natale que jamais il ne quittera, Pierrine nourrit son penchant d’observations constantes qu’il approfondira et qui seront, sans qu’il l’eût cherché, à la source de sa renommée. Sa vie contemplative, lors de la garde des troupeaux, n’a pas été un état de rêverie passive, mais une recherche active pour percer les mystères du monde végétal, un vif désir de s’instruire, qui s’épanouit d’abord grâce à Cazaux, pharmacien de Laruns.
Et c’est ainsi que commença la belle aventure botanique de Pierrine, berger-botaniste ossalois.
LE BERCEAU D’UN BOTANISTE
Bagès, hameau de Béost : écoutez ce qu’en disait Adolphe Moreau, homme de lettres bienfaiteur des Eaux-Bonnes, en 1841 : « …ce village, mon favori, mes amours, (…) sa vue a toujours produit sur moi une impression, une émotion paisible et pleine de charme : ses habitations me sourient plus doucement que les autres de la vallée. – Bagès : un peu au-dessus du village, dépendant de Béost dont il est distinct, quoiqu’il en fasse partie comme les doigts de la main ».
Et c’est là, à Bagès, que vous pourrez voir ce qui subsiste des deux maisons accolées, celles de Pierre Sacaze et de Jeanne Arrougé, parents du berger-botaniste Pierrine Gaston-Sacaze né en 1797, l’an V de la République…La famille Sacaze, nom assez répandu dans beaucoup de villages, vivait essentiellement de l’élevage des brebis, et ses biens matériels étaient supérieurs à ceux d’autres familles de la contrée : une quinzaine d’hectares de terrains tous situés à proximité de la maison.
Pierrine était cadet d’une famille de quatre enfants. Mais peut-être a-t-on oublié ce que cela signifiait dans le Béarn d’autrefois : le terme de cadet désignait un enfant de la maison voué au célibat, l’ostau (la maison) étant dévolue à l’aîné sans possibilité de partage du domaine. Le cadet travaillait donc pour l’entretien et la prospérité du domaine familial sans aucune rémunération. Certes, il pouvait tenter sa chance par l’émigration, comme ce fut souvent le cas en Ossau. - Pierrine, lui, n’a pu s’élever que par son œuvre de botaniste, mais malgré la renommée dont il a joui plus d’un quart de siècle, il a sombré, dès avant sa mort en 1893, dans un oubli quasi-total en vallée d’Ossau, oubli dont l’a enfin tiré Antonin Nicol par son ouvrage fondamental, « Pierrine Gaston-Sacaze, berger-phénomène », paru en 1969. La réhabilitation s’est concrétisé par la création, en 1993, de l’Association Pierrine Gaston-Sacaze dont le siège est à Béost, et par la pastorale ossaloise jouée en 2007 en l’honneur de Pierrine devant des milliers de spectateurs.